Saturday, July 31, 2010

Enseignement Supérieur : Parlons réforme

Le plan Urgence apporte un souffle nouveau à l’enseignement supérieur au Maroc. Stratégies compétitives, innovations dans le mode de gestion des établissements, restructurations dans les curricula… tous, ainsi que d’autres, promettraient de mettre le pays sur un piédestal satisfaisant en matière d’enseignement.

Mais, la recette serait-elle complète ?...


En effet, c’est bien …

…que l’on pense aujourd’hui à gérer les universités publiques comme des entreprises privées avec des stratégies clairement transcrites, des objectifs annuels (mesurables ou pas, reste à savoir…), et des « bosses » aux esprits flexibles vis-à-vis du changement et du renouveau. Pragmatisme serait donc le mot d’ordre dans ce processus d’émulation du système privé. Il paraît même, au fait, que l’on ait inséré des mastères payants au sein d’universités publiques afin que les étudiants se sentent plus responsables envers leurs études, et dans l’objectif de réduire, voire d’éliminer le phénomène « d’Etudiants touristes » dans les facultés.

Un autre atout est l’implication progressive des entreprises dans le cycle académique supérieur dans le but de garantir une transition plus effective et efficace des nouveaux lauréats lors de leur insertion dans le marché du travail.

Applaudissement ! Çà réchauffe le cœur quand même !

(Pour plus de détail, voir le dossier spécial que l’Economiste a dédié à ce sujet, Numéro 3329 du 28 Juillet 2010)


Mais…

…Il semblerait que l’on ait encore des bâtons à éliminer. En effet, la réforme devrait prendre en considération un élément central au système d’enseignement ; il s’agit du corps enseignant. Combien d’enseignants, aujourd’hui dans les facs du Royaume, font leurs cours au complet, ne ratent pas des séances, font le suivi avec les étudiants, et surtout font de la recherche scientifique, et donc des publications régulières ? Ayant une connaissance assez bonne de ce secteur, je répondrais « très très peu ». Sans m’attarder sur les détails des pratiques malhonnêtes de plusieurs enseignants qui préfèrent passer le plus beau de leurs temps dans leurs affaires privées que dans les facultés, je préfère proposer des solutions.

Si l’on a décidé de passer à un mode de gestion « pragmatique », alors soyons pragmatiques jusqu’au bout. Je veux dire par là que les enseignants ne devraient pas choisir de faire ce métier parce qu’il leur permet d’avoir « plus de temps libre ». Un enseignant devrait être rémunéré pour sa performance (Pay for Performance, comme diraient les Américains). La performance d’un professeur est mesurée par le nombre d’heures qu’il/elle enseigne, par le nombre de publications annuelles, par le nombre de séminaires auxquels il/elle aurait participé, mais aussi par l’évaluation effectuée par les étudiants eux mêmes (ce qui est appelé en langage business L’évaluation à 360 degrés).

La performance de l’enseignant serait donc mesurée par l’ensemble de ces critères – non-exhaustifs, et le renouvellement de son contrat d’enseignement au sein de l’université devrait justement en dépendre. Voilà comment çà se passe généralement dans une entreprise si l’on veut réellement émuler le système privé.

J’attire l’attention au fait que ce mode de gestion (pragmatique) fonctionne très bien dans les pays avancés où la science et le développement vont de pair.

J’avoue aussi que cette transition demandera beaucoup de courage à nos décideurs. Mais nous savons tous très bien que sans l’audace de faire face à nos problèmes de manière rationnelle et courageuse, nous serions entrain de nous faire absorber, tout doucement, dans une spirale de déperdition d’argent, d’énergie, et de temps.

Thursday, July 8, 2010

La Darija comme langue d’enseignement : GO / NO GO ?


Un colloque international sur les langues organisé à Casablanca, des articles dans les journaux, et la polémique reprend de plus belle ! Le sujet : Introduction ou pas de la Darija (langue parlée au Maroc) dans le système d’enseignement Marocain.


L’argument des partis « Pour » :

Alors que le petit chinois apprend à lire en chinois, le petit américain en anglais, le petit turque en turc…pour lesquels ces langues sont toutes leurs langues parlées, le petit marocain, dès sa rentrée à l’école primaire, fait face à des entraves linguistiques majeures. En effet, la langue qu’il a toujours entendue parler autour de lui étant la darija, il se retrouve devant un nouveau répertoire linguistique, l’arabe classique, qu’il est sensé maitriser comme langue maternelle. Or, l’arabe classique, pour l’enfant de six ans, n’est autre qu’une langue à peine familière à son oreille. Plus encore, deux ans plus tard, cette même oreille devrait se familiariser avec et apprendre les nouveaux sons et mots de la langue française, deuxième langue officielle au Maroc.

Du coup, devant son incapacité – justifiée faut-il dire – à rapidement construire les liens entre les mots écrits et le dictionnaire linguistique préconçu chez l’enfant dans sa langue parlée (la darija), celui-ci cumule petit à petit des lacunes linguistiques qui pourraient se traduire, avec le temps, par l’abandon du goût pour la lecture et l’apprentissage, et donc par l’échec scolaire.

La solution serait donc, selon les experts interpellés dans ce domaine, d’introduire la darija comme langue écrite dans les établissements scolaires au lieu de l’arabe classique. L’Edito de Tel-Quel #430 en fait un bref résumé : http://www.telquel-online.com/430/edito_430.shtml


Pour les personnes « Contre » :

Il ne s’agit pas du nombre de langues à apprendre à l’enfant dès son jeune âge. En effet, les enfants ont une capacité extraordinaire à apprendre plusieurs langues avant l’âge de six ans. Mais ceci suppose que l’enfant soit initié à l’école à un âge précoce grâce à l’enseignement préscolaire. Au Maroc, les crèches et jardins d’enfants privés ne manquent pas dans les grandes agglomérations. Concernant le secteur public, le Ministère de l’Education Nationale, en collaboration avec la Fondation Mohamed VI, a lancé le projet des jardins d’enfants publics pour qu’à l’horizon 2013, 50% des enfants marocains aient accès à l’enseignement préscolaire.
Avec ces données, l’argument de l’incapacité de l’enfant à apprendre plusieurs langues est affaibli.

Le second point avancé par les participants au débat est le danger de perdre le patrimoine culturel cumulé dans les ouvrages écrits en langue arabe classique. En effet, qu’adviendrait-il des savoirs en sciences humaines principalement écrits en arabe ? Faut-il tout simplement les jeter à la poubelle ? Convaincre nos enfants de leur inutilité ? Ou bien procéderait-on à une traduction de ces ouvrages en français et en darija, et à quel coût ?...


C/C: La question reste difficile, je l’avoue, mais les grands traits de la raison font surface, et l’on arrive tout de même à distinguer entre les décisions hâtives et peu réfléchies, et celles qui requièrent plus de médiation, de questionnement et de calcul. N’est-ce pas ?...