Sunday, October 31, 2010

J’ai pas triché,…j’ai juste demandé au voisin !

En grande majorité, nous avons tous, un jour, durant notre scolarité, aidé ou demandé l’aide d’un camarade pour répondre à une question pendant l’examen. Certains l’appellent « entraide » ou encore « copinage », en langage de loi, ceci est de la triche.

Un questionnaire a été distribué il y a près de 4 mois auprès des jeunes marocains pour sonder leur perception de ce phénomène social dont les dimensions ont probablement surpassé les murs de l’école pour s’étendre à plusieurs aspects de la vie. L’échantillon qui a participé au sondage comprend un peu plus de 500 personnes, recouvrant la communauté des ingénieurs, des écoles de commerce, de la Faculté des Sciences et la Faculté des Lettres de Rabat, ainsi qu’une partie aléatoire sur le net.

Bien que mitigées, les réponses des participants soulèvent des surprises interpellantes. En effet, alors que plus de 70% des répondants ont affirmé être parmi les meilleurs de leurs classes (le top tiers), seulement 12% d’entre eux déclarent n’avoir jamais triché au cours de leur scolarité. Pour le reste, 50% ont triché au moins 10 fois, et près de 30% ont commis cette fraude plus de 20 fois ! Aucune différence significative n’a été perçue relativement au sexe des participants dont 43% de femmes et 57% d’hommes. Cependant, il est intriguant de remarquer que parmi les 70% des participants qui ont admis que ce comportement est qualifié de « triche et qu’il ne doit pas être permis », plus du cinquième (22%) ont triché au moins 20 fois durant leurs études ! En parallèle, 47% des participants de moins de 20 ans – c’est dire les représentants de la génération montante – pensent que le fait de copier pendant l’examen est un « Comportement très normal, [et qu’]on s’entraide entre amis, surtout pendant l’examen » ou que ce comportement ne devrait même pas être qualifié de triche, mais qu’il est plutôt quelque chose qui ressemble à des transactions commerciales (du donnant-donnant). En contraste, une écrasante majorité, perçoit une personne qui refuse de « collaborer » pendant l’examen comme étant une personne honnête et raisonnable.




Ces apparentes contradictions peuvent être expliquées par deux interprétations plausibles : 1- Même si l’on est conscient de la fraude qu’on est entrain de commettre, on la commet quand même probablement parce que le risque d’être puni est très petit ; 2- La triche est devenue un comportement social tellement banalisé qu’elle passe sans difficulté à travers les filtres moraux, et on l’accepte donc tout bonnement sans trop y réfléchir.




Quelle que soit l’option dans laquelle on s’inscrit en tout cas, on ne peut aucunement en être fier. Il est effectivement vrai que la triche n’est pas convenablement punie par notre système d’enseignement. Il est même encore plus vrai que certains professeurs et établissements en entier y prennent part. Mais le plus grave est de permettre à ce comportement de s’infiltrer doucement dans notre quotidien, d’abord dans un test à l’école, ensuite à l’examen national de baccalauréat, puis dans ce papier administratif peu important, et de là vers les déclarations frauduleuses d’impôts, à la comptabilité de l’entreprise…etc. Il est peut être trop hasardeux, voire incorrect, de généraliser, mais une analyse des conséquences sociales et économiques d’un tel phénomène fait vibrer la sonnette d’alarme.

J’aimerais signaler, à la fin, que l’objectif de cette enquête est purement scientifique, et qu’il devrait éventuellement aider à soulever des questionnements sur une problématique pesante sur le système d’enseignement au Maroc, pour permettre ultimement de proposer des solutions inhérentes à la réforme de ce système ; en effet, la réforme ne concerne pas uniquement les murs, les bureaux, et l’infrastructure matérielle en général, mais d’abord, et avant tout, le capital humain.