La question de la culture au Maroc me préoccupe particulièrement. Les raisons en sont nombreuses, mais la plus importante est l’impact de la culture sur le développement personnel de l’individu et sa conduite civique dans la société.
Pourquoi sommes-nous un peuple si peu cultivé ? Plusieurs réponses se bousculent dans ma tête. J’en retiens trois : La lecture, les espaces culturels, et le cursus scolaire.
Chacun de ces aspects mérite une analyse soignée, je les aborderai donc séparément, bien que leurs rôles soient complémentaires. Je commencerai par les espaces culturels parce qu’ils sont les plus amusants.
Mais avant d’aller plus loin, imaginez ce dimanche après-midi. Par ce temps pluvieux, vous ne semblez pas avoir beaucoup de choix pour votre enfant de cinq ans qui vous tire par la manche et vous supplie de l’emmener dehors pour jouer. Vous faites défiler la liste des options réalisables et pas chères: jeux vidéos, dessin…l’envoyer dans sa chambre … désespéré, vous lui promettez quelque chose sans vraiment savoir ce que c’est. Soudain, vos yeux tombent sur ce journal d’hier où l’on publie en grande pompe l’ouverture officielle du premier centre de recréation scientifique pour les jeunes. Comment avez-vous pu oublier! En plus, l’entrée est gratuite aujourd’hui pour les enfants de moins de dix ans. Fantastique! Voilà le plan! Vous sautez tous deux dans la voiture et tracez à l’aventure. A l’entrée, vous vous étonnez à la vue de l’ordre impeccable qui règne dans les lieux. Vous tentez d’en créditer les agents de sécurité ici et là, mais vous préférez vous convaincre que vos concitoyens apprécient l’ordre et le respectent. A l’intérieur, vos yeux sont aussi ébahis que ceux de votre enfant. Le bâtiment est énorme avec des allées qui mènent vers différentes sections du musée. Vous suivez déjà votre enfant qui s’est dirigé vers cette salle immense où sont exposés les dinosaures, ou ce qu’il en reste. Sous les lumières basses, le décor semble réel. Ces monstres semblent raconter une existence… mais au fait, il suffit de lire sur les pancartes à côté pour la connaître, ou encore, mettre les écouteurs et appuyer sur ce bouton pour entendre toute l’histoire… Vous êtes fasciné. Vous passez d’une allée à l’autre avec votre enfant, des volcans à la croûte terrestre vers les mammifères, sans vous rendre compte des trois heures qui se sont déjà écoulées. Lorsque vous rentrez le soir à la maison, votre enfant est épuisé, heureux, et tout excité à l’idée de revisiter le musée la semaine prochaine. Vous pensez à votre budget, et décidez que rien ne vous est plus cher que de cultiver la passion du savoir en votre enfant. Au fond, vous remerciez ces investisseurs qui ont choisi de mettre leur argent dans des projets aussi nobles. Vous pensez aussi que ce musée constituera une cible touristique importante dans la région et encouragera des initiatives culturelles similaires… Vous souriez et pensez, voilà, en partie, comment l’on éduque une nation.
L’histoire se passe en 2012 à Casablanca. Le Musée Scientifique s’étend sur une superficie de 1000m2 et attire plus de 5 millions de visiteurs chaque année…
Elle rêve, vous dites-vous. Probablement. Et qui empêche aujourd’hui de construire des centres pareils, à part une volonté politique et des entrepreneurs au sens de l’éthique, sachant que de tels projets promettent des recettes financières respectables ? L’éducation ne passe pas toujours par l’école et les livres. La perception visuelle de l’information est une composante critique dans le processus d’apprentissage dans la mesure où elle supporte et complémente les informations théoriques reçues en classe. Le savoir n’est plus perçu comme un « fardeau » aussitôt qu’il est accompagné d’une histoire, de couleurs et de formes ; ce qui renforce l’envie d’apprendre toujours plus.
En contre partie, le manque cruel d’espaces de loisirs culturels dans notre pays est confronté par une poussée parasitaire des chaînes de télé au contenu effroyablement vide de valeurs éducatives et morales. Et l’on se retrouve brutalement dans ce cercle vicieux de chercher à remplir le vide par du vide…