Wednesday, June 18, 2008

Statistiques et M&M’s : une leçon en pédagogie

Qui parmi nous se rappelle du Théorème de la Limite Centrale (TLC)? Non, n’essayons pas de le Googler, je sais que si nous le faisons, nous arriverons sans doute à réveiller ces vieux souvenirs d’école. Mais là, d’emblée, quel était l’objectif de ce théorème, mieux encore, quels en sont des exemples d’application concrets dans notre vie de tous les jours ?

Certains seraient déjà entrain de se rouler les yeux… mais ce théorème est-il réellement important ? Si l’on décide d’ignorer l’importance incontournable du TLC dans les statistiques, une question reste tout de même de poids : Pourquoi, après de si longues années d’études acharnées, l’on ne se rappelle pratiquement pas de ces concepts basiques dont tout ingénieur et analyste devrait faire usage dans ses processus de prise de décision de tous les jours ? Qui faut-il blâmer ? Notre mémoire, notre système éducatif ?

La pédagogie d’enseignement est clé, à mon avis, dans la réponse à cette question. Je vous donne un exemple :

Il s’appelle Luca, il est professeur de probabilités et statistiques et doit trouver à chaque fois des moyens pour attirer continuellement l’attention de sa jeune audience d’étudiants.

Dans ce cours du lundi à 8 heures du matin, il a le challenge de leur expliquer le principe du TLC en 1 heure et demi. Après son habituelle anecdote du jour, il pose un paquet de M&M’s sur le rétro-projecteur et leur demande de deviner le nombre d’M&Ms de couleur rouge qui se trouvent dans le paquet. Pendant que les suggestions affluent, il jette dans la direction des étudiants le paquet qui tombe entre les mains chanceuses d’Ellen. Ellen va compter le nombre de chocolats rouges, mais en plus, elle pourra les manger après… tout le monde la regarde avec envie et curiosité… le chiffre est 8. Soudain, un autre paquet est jeté au hasard, maintenant, toute la rangée tend les mains pour l’attraper… le chiffre est 6. Aussitôt, Luca sort de derrière son bureau un grand carton plein d’M&Ms ; il y en a pour toute la classe ! Tout le monde s’empresse de compter le nombre d’M&Ms rouge dans son paquet et de reporter son chiffre sans savoir réellement le but de cet exercice sucré. Bientôt, Luca dresse une liste de tous les chiffres collectés, et construit une courbe dont les X représentent le nombre d’M&Ms possible dans chaque paquet (1,..,14), et dont les Y représentent le nombre d’étudiants qui ont trouvé ce chiffre (ceci représentera la fréquence de tel nombre d’M&Ms). Luca dessine la courbe correspondante, et hop ! C’est une distribution gaussienne parfaitement symétrique autour du nombre 7,5... Le TLC stipulera que le nombre moyen d’M&Ms rouges qui existent dans tous les paquets d’M&Ms dans le monde suit une distribution gaussienne de moyenne proche de 7,5 et d’ecart-type qui diminue en agrandissant la taille de l’échantillon.

Au test, les étudiants ont eu de bonnes notes, mais en plus, ils risquent fort de se rappeler du TLC grâce à ces bouts de chocolats multicolores.

Vous me diriez que les M&M’s coûtent cher au Maroc et que les écoles ne voudraient pas s’amuser à payer du chocolat aux étudiants. Je vous dirais que la créativité n’a pas toujours besoin de moyens financiers. Le professeur peut toujours innover pour transformer les concepts complexes en des notions plus simples dans un cadre tangible et amusant. Cela permet à l’élève de stocker l’information plus facilement tout en activant sa propre créativité dans le processus d’apprentissage et de remémoration des informations apprises. En outre, le professeur passionné réussit à faire apprécier la matière par ses étudiants, ce qui augmente leur curiosité aussi bien que leur taux de participation en classe.

Aujourd’hui dans nos établissements scolaires, plusieurs matières sont enseignées de manière quasi dépourvue de créativité et de renouveau. L’élève devient une gourde de données qui s’empresse de se vider aussitôt les délais critiques franchis (les examens en l’occurrence). Et l’on se demande pourquoi nous sommes classés si bas comparés à nos pays voisins, et pourquoi il y a crise dans l’éducation…

4 comments:

Anonymous said...

Très bien dit, durant ma scolarité (spécialement les classes prepas) très rare (je ne veux pas dire aucun) sont les profs de math qui ont pris le soin de m’expliquer dans un langage concret a quoi servaient ces centaines de théorèmes qu'on se forçait a démontrer sans en savoir la finalité.
Apres 11 ans, Les espaces de Banach et préhilbertiens, les théorèmes de Bolzano–Weierstrass et de Fermat et finalement les suites de Poisson ne représentent dans ma tête que des années ou je perdais mon temps en me ventant de faire partie d’une élite virtuelle

Vagabond said...

J'aime beaucoup les articles jusqu'à présent sont très intéressant. Bonne continuation...looking forward for more!

Mocka said...

c'est dans la nature meme de notre memoire et de notre cerveau de ne retenir que les choses à qui on associe une émotion.les neurones sont alors imprégnés des informations qu'elles reçoivent et même après des années,ce qu'on sait et ce qu'on oublie peut resurgir.
au plaisirde vous lire
mocka

bensaid said...

salam,

je te rejoint sur ton idée de manque de créativité chez le corps éducatif au Maroc.
par contre l'exemple que tu as données relève des maths appliquées. alors ce qu'est enseignée au maroc en classe préparatoire ou a l'université c'est surtout de l'abstrait a ne pas confondre les deux, comme il ne faut pas confondre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.

je t'encourage de continuer j'aime ton analyse des choses par contre, essai de l'élargir car elle ne traite que du problème de l'éducation dans une partie bien défini du maroc, axe rabat casa ou ce que le premier résident général au maroc applait le maroc utile