Voilà un nombre de questions que je me pose depuis un bout de temps, et qui, franchement, m’intriguent un peu. Les classes préparatoires aux grandes écoles d’ingénieurs, perçues aujourd’hui par la société comme la meilleure filière d’études supérieures, sont-elles réellement des filières d’excellence ? Produisent-elles des personnes excellentes ? Sont-elles le seul moyen pour créer des ingénieurs de qualité ? Mieux encore, produisent-elles des ingénieurs de qualité ?
Je me suis adonnée, une fois, à l’exercice, et je suis parvenue aux résultats suivants :
Points forts des classes prépas :
- Préparent les élèves à être mieux entrainés à travailler sous des contraintes psychologiques et temporelles difficiles
- Offrent un savoir théorique diversifié (Physiques, Chimie, Maths)
- Offrent l’opportunité d’étudier des œuvres littéraires et philosophiques
- Donnent un ticket d’accès à un métier –actuellement – prisé, qu’est l’ingénierie.
Points faibles :
- Aucun module n’est déployé pour préparer les élèves aux techniques de communication en entreprise
- Encouragent fortement le sentiment d’égoïsme, et inhibent le sens de partage de par la nature de la formation : En effet, puisque la réussite est basée sur le classement, les élèves ne sont pas encouragés à s’entraider et à partager les connaissances, ce qui se reflète par la suite sur leur comportement en société et en entreprise (La réussite est équivalente à l’individualisme)
- Le savoir théorique si acharnement enseigné en classe est très peu, sinon n’est jamais, lié à la réalité. En d’autres termes, combien d’ingénieurs sont aujourd’hui capables de résoudre un problème professionnel ou de la vie de tous les jours en utilisant un « espace préhilbertien réel » ?!! Le résultat en est que les ingénieurs savent très bien résoudre les équations abstraites (les fameux X et Y…), sans pour autant être capables de les transposer à la réalité. Un autre exemple est le temps excessif alloué à la démonstration de théorèmes au lieu d’apprendre aux élèves comment utiliser ces théorèmes un de ces jours en entreprise !
- Très peu de connaissances acquises en classes prépas sont utilisées dans l’école d’ingénieur, encore moins dans l’entreprise. Exemple : L’utilisation des théorèmes mathématiques typiquement dans une école de télécommunication ou d’informatique ? Certes, les élèves ingénieurs ont besoin d’une formation de base, mais les inonder d’informations techniques très spécifiques relèverait d’une préparation à un doctorat en maths/physiques, plutôt qu’à un métier d’ingénierie où la capacité de synthétiser l’information et d’en extraire l’essence est une compétence très recherchée.
Je suis sûre que vous avez d’autres idées en tête, mais à pondérer les points forts et les points faibles de ce système, je me demande réellement si gain il y a !
Si les élèves ingénieurs sont intelligents, ce n’est pas grâce aux classes prépas. En effet, il y a déjà eu ce qu’on appelle un « selection bias » dans le sens où seulement les bons élèves sont admis en classes prépas. Si ce système offre à ces élèves peu de connaissances immédiatement utilisables dans l’école d’ingénieur ou dans l’entreprise, où est son efficacité ? Si en plus, ce système les prépare mal à pénétrer dans le monde de l’entreprise où collaboration, partage et vie sociale sont fortement sollicités, alors peut-on réellement l’appeler une « filière d’excellence » ?
En d’autres termes, quelle est la valeur ajoutée de tout cet engrenage auquel aujourd’hui s’ajoute une nouvelle industrie appelée les « classes prépas privées » ? Y a-t-il création ou destruction de valeur ?
Je ne suis plus très sûre...mais peut-être auriez-vous un avis différent...
7 comments:
Moi même en classe préparatoire cette année je ne suis pas d'accord avec certains points :
- Aucun module n’est déployé pour préparer les élèves aux techniques de communication en entreprise : pendant les 2 ans de classe prépa non, mais les écoles d'ingénieurs leurs donnent une importance particulière (surtout en France), je ne sais pas si c'est véritablement pénalisant pour l'étudiant de ne pas les voir en CPGE
- Encouragent fortement le sentiment d’égoïsme : Faux, le concours marocains par exemple compte près de 5000 candidats, si un étudiant d'une classe de 30 personne s'entraide avec ses collègues, il pourra facilement dépasser 100, 200, 500 personnes (même si les 29 de sa classe sont mieux classés). La concurrence y est saine en général, bien sur il existe des exceptions (surtout en 1ere année ou seulement quelques élèves accèdent a la classe étoile)
- Ce matin même, le sujet de l'épreuve de mathématique 1 du concours national marocain est "Étude de l'équation de la chaleur"
On y utilise des concepts mathématiques très abstraits (pour prouver l'unicité de la solution entre autre) et il se trouve que la propagation de la chaleur est sujet pratique très répandu (isolation thermique etc)
Les deux épreuves de physique du concours centrales-supélec traitent respectivement du "Projet Mose" et des anomalies de Pioneer et de l'eau.
Tout les Sujets de sciences industrielles sans exceptions traitent des sujets industriels réel
Bien sur qu'il y'a beaucoup de théorie, et je suis bien content d'avoir des notions sur les espaces préhilbertiens réels même si ca ne servira peux être a rien après.
En général les démonstrations des théorèmes sont très importantes, car on y trouve divers outils nécessaires a la résolution d'exercices, et de plus chaque théorème énoncé/démontré s'accompagne systématiquement d'exemples et de plusieurs applications.
- Je ne saurais dire si les connaissances acquises en classe prépa sont utiles en école d'ingénieurs, mais j'aurais au moins acquis plusieurs capacités comme la persévérance, la rigueur..
- A la question "peut-on réellement l’appeler une « filière d’excellence » ?" je répondrais que oui assurément, les plus grandes écoles françaises comme les Mines ou l'X ont formés plus de patrons/scientifiques que les universités pourtant tout aussi prestigieuses.
- Et finalement l'industrie des classes prépa privées est née uniquement parce que les lycée publics ne peuvent absorber toute la demande (déjà qu'on a des classes de 40 alors..)
Si jamais tu es dans les parages, il y a un débat sur l'éducation au Maroc organisé par CAPDEMA. Voici l'event sur facebook http://www.facebook.com/#!/event.php?eid=125490164136144
Viens partager tes opinions.
Très bonne analyse
Merci pour les commentaires.
@Anas: merci pour le partage, l'événement n'existe pus sur facebook. Pourrais-tu me donner la date et l'adresse? Je serai ravie d'assister.
@Oussp: Merci bcp pour le comment, tu as raison quelque part, mais lorsqu'on est en classes prépas, on en est tellement fiers (et pour de bonnes raisons) que l'on ne voit pas certaines choses. J'espère écouter ton opinion quelques années plus tard une fois tu intègres le domaine de l'entreprise. Je t'invite aussi fortement à faire connaissance du modèle académique et professionnel américains, en faisant ainsi, tu percevras les décalages et déclics dont je parle.
Pour répondre rapidement a certains points:
- Communication: les classes prépas en france offrent des conditions d'apprentissage et d'épanouissement meilleures que celles au maroc. A l'école d'ingénieur marocaine, les cours de com sont très limités, et devraient être redynamisés si l'on veut qu'ils jouent le rôle qu'on en escompte.
- égoïsme: j'aime bien ton analyse, j'espère que les élèves sup-spe l'utiliseront. Mon expérience a montré le contraire, mais je reste optimiste :)
- Filière d'excellence: ce que je veux dire par la c’est qu’il y a d’autres alternatives pour produire des ingénieurs et des patrons de meilleure qualité. Si l’outcome est bon ce n’est pas forcément grâce au processus (qui est l’école d’ingénieur ou le système des prépas en général), mais c’est surtout à cause de l’input (l’étudiant présélectionné – selection bias) qui est lui-même bon.
bon jugement "said",bon je veux savoir s'il te plait des informations à propos les classes prépas-ECT.Merci
Outre les limites académiques des classes prépas, ce système n'incite pas les élèves à développer un sens critique et à prendre du recul pour mieux appréhender les défis et les mutations que connait la société.
Outre les limites académiques des classes prépas, ce système n'incite pas les élèves à développer un sens critique et à prendre du recul pour mieux appréhender les défis et les mutations que connait la société.
Post a Comment