Thursday, July 8, 2010

La Darija comme langue d’enseignement : GO / NO GO ?


Un colloque international sur les langues organisé à Casablanca, des articles dans les journaux, et la polémique reprend de plus belle ! Le sujet : Introduction ou pas de la Darija (langue parlée au Maroc) dans le système d’enseignement Marocain.


L’argument des partis « Pour » :

Alors que le petit chinois apprend à lire en chinois, le petit américain en anglais, le petit turque en turc…pour lesquels ces langues sont toutes leurs langues parlées, le petit marocain, dès sa rentrée à l’école primaire, fait face à des entraves linguistiques majeures. En effet, la langue qu’il a toujours entendue parler autour de lui étant la darija, il se retrouve devant un nouveau répertoire linguistique, l’arabe classique, qu’il est sensé maitriser comme langue maternelle. Or, l’arabe classique, pour l’enfant de six ans, n’est autre qu’une langue à peine familière à son oreille. Plus encore, deux ans plus tard, cette même oreille devrait se familiariser avec et apprendre les nouveaux sons et mots de la langue française, deuxième langue officielle au Maroc.

Du coup, devant son incapacité – justifiée faut-il dire – à rapidement construire les liens entre les mots écrits et le dictionnaire linguistique préconçu chez l’enfant dans sa langue parlée (la darija), celui-ci cumule petit à petit des lacunes linguistiques qui pourraient se traduire, avec le temps, par l’abandon du goût pour la lecture et l’apprentissage, et donc par l’échec scolaire.

La solution serait donc, selon les experts interpellés dans ce domaine, d’introduire la darija comme langue écrite dans les établissements scolaires au lieu de l’arabe classique. L’Edito de Tel-Quel #430 en fait un bref résumé : http://www.telquel-online.com/430/edito_430.shtml


Pour les personnes « Contre » :

Il ne s’agit pas du nombre de langues à apprendre à l’enfant dès son jeune âge. En effet, les enfants ont une capacité extraordinaire à apprendre plusieurs langues avant l’âge de six ans. Mais ceci suppose que l’enfant soit initié à l’école à un âge précoce grâce à l’enseignement préscolaire. Au Maroc, les crèches et jardins d’enfants privés ne manquent pas dans les grandes agglomérations. Concernant le secteur public, le Ministère de l’Education Nationale, en collaboration avec la Fondation Mohamed VI, a lancé le projet des jardins d’enfants publics pour qu’à l’horizon 2013, 50% des enfants marocains aient accès à l’enseignement préscolaire.
Avec ces données, l’argument de l’incapacité de l’enfant à apprendre plusieurs langues est affaibli.

Le second point avancé par les participants au débat est le danger de perdre le patrimoine culturel cumulé dans les ouvrages écrits en langue arabe classique. En effet, qu’adviendrait-il des savoirs en sciences humaines principalement écrits en arabe ? Faut-il tout simplement les jeter à la poubelle ? Convaincre nos enfants de leur inutilité ? Ou bien procéderait-on à une traduction de ces ouvrages en français et en darija, et à quel coût ?...


C/C: La question reste difficile, je l’avoue, mais les grands traits de la raison font surface, et l’on arrive tout de même à distinguer entre les décisions hâtives et peu réfléchies, et celles qui requièrent plus de médiation, de questionnement et de calcul. N’est-ce pas ?...

7 comments:

too banal said...

L'arabe marocain est ma langue maternelle. L'arabe dit classique est appris à l'école quelques années après notre naissance. Tout le décalage est là. Et probablement cela explique le fiasco de notre système scolaire schizophrène...
Mais comme je dis souvent : ce n'est pas demain l'éveil...
Bonne fin de semaine!

Rachid said...

"...la Darija (langue parlée au Maroc)" "...la langue qu’il a toujours entendue parler autour de lui étant la darija...". Dabord la Darija n'est pas la seule langue parlé au maroc, il y'a une majorité parle l'Amazigh, ou Hassania (ou Sahara) alors la langue que ces petits, ont toujours entendue autour d'eux c'est l'Amazigh, ou Hassania, et il y'a aussi des petits qui entend que le français, même s'ils sont une minorité. Qu'est ce qu'on va faire avec tout ces langues? On dois choisir l'Amazigh, Hassania ou la Darija, ou le français, ou quoi? Si on doit choisir pour chacun sa langue comme langue d'enseignement on dois leur donner même une partie géographique au Maroc pour qu'il ne tombe dans cette schizophrénie linguistique. Ce problème de langue n'arrête pas la, mais il le dépasse a des conflits d'identité marocaine, et nous posons la questions qu'est ce qu'un marocain?
Toi de ta coté tu as défendu la Darija, moi de ma part je vais défendre l'Amazigh, l'autre va défendre Hassania, l'autre le français, et pourquoi nous devons poursuivre ces conflits qui vont nous s'éloigner de l'un de l'autre. La langue n'est pas vraiment se qui bloque notre développement, mais ce genre de distinction linguistique.
Mes salutations Fadwa.

Shifty said...

L'arabe est une langue. Tandis que darija est un parler. On ne peut pas introduire une langue véhiculaire, en l'occurence darija, dans un système scolaire. Elle ne possède pas de règles de grammaires fixes, et sa syntaxe change de région à l'autre. Cette langue est récente et les ouvrages qui ont été rédigé en marocain sont trop rares, son histoire est courte pour ouvrir son enseignement.

L'antithèse : Nos petits, et nous même enfants, qui ont appris l'arabe à l'école, allé à l'université et travaillé en français. On finit par oublier cette langue... Quand j'étais au lycée et mon niveau était encore maintenu, je me moquais des lacunes de mon père, mais en grandissant je me rends compte que dès qu'on quitte les bans du lycée, cette langue sombre tristement dans l'ennui.

hmida said...

Dans tous les pays du monde, il existe une langue parlée, pratioquée par l'ensemble de la population et une langue écrite, soutenue, riche et bien structurée.

L'anglais parlé dans les rues de Londres n'est pas celui pratiqué à Oxford ou la City!

Le français qu'on entend dans les villages français (je ne parle pas des cités à majorité d'immigrés) n'est pas celui que l'on pratique dans les journaux ni encore moins dans les universités!

L'arabe du cairote de base n'a rien à voir avec celui de Al Azhar!

Alors arrêtons de fantasmer sur la dirija et l'arabe classique : ces deux langues ont cohabité et continueront à le faire!

Ne tombons pas dans la démagogie qui consiterait à éliminer l'arabe classique au profit de la darija, ni à la bêtise de croire que l'arabe de Sibawayh supplantera notre chère darija!

Oussp said...

A part les manuels qui sont rédigés en arabe classique, seul la darija est utilisée en classe (a part pour les cours d'arabe/traduction). Les profs de maths, physique, chimie.. expliquent en darija et PAS en arabe classique !

Fadwa said...

Remarque pertinente. Mais alors quelle solution?...

Amine Bouyarmane said...

Il faut savoir assumer nos erreurs historiques. Le débat de la langue est un "débat de l'âge de pierre" dans le sens où la langue est la toute base d'une civilisation. Qu'on veuille adopter la Darija ou l'Amazighiya dans notre langage officiel soit, mais quelle culture va-t-on donner à nos enfants? quels livres vont-ils lire? déjà que l'accès au savoir est très restreint dans ce pays, ça risque de bien compliquer les choses.

Le Maroc, dès que le colonialisme est parti, se devait de faire un choix. S'il tenait tant à ses dialectes, il aurait dû consacrer quelques années de traduction intensives. Maintenant, nous sommes en 2010, on est déjà super en retard, alors nous n'avons pas de temps à perdre à traduire tous les ouvrages existants, ça nous collerait quelques décennies de retard en plus.

Même en Arabe classique on vit ce problème, l'accès au savoir est difficile. Pour avoir effectué aussi mes études d'ingénieur en france, j'ai pris conscience que cet accès se doit d'être simplifié au maximum. Quand on veut faire une recherche, lire un bouquin, il suffit de quelques cliques pour avoir avoir un livre à disposition, et les bibliothèques universitaires sont assez bien fournies de toute manière. Au Maroc, trouver un livre est une recherche en soi... trouver un livre en Arabe est une quête périlleuse... alors comment voulez-vous qu'on avance?

Préserver notre identité linguistique, je veux bien, mais encore faut-il en assumer toutes les conséquences.