
Je pose toutes ces questions car je suis convaincue que des milliers d’autres marocains se les posent tous les jours, s’ils en sont conscients.
Ces questions soulèvent aussi une problématique profonde dans notre système d’éducation : L’orientation.
Comment se passe une session d’orientation typique dans nos lycées publics ? La personne en charge «d’orienter » les élèves se présente en classe, sort un paquet de brochures de son cartable, et commence à donner les conseils sensés diriger les carrières de ces élèves : « Si vous avez au-delà de 16 de moyenne, vous pouvez faire la médecine, l’architecture, les classes préparatoires. Entre 14 et 15, vous pouvez vous inscrire [ici et là]… Mais en deçà de 12 de moyenne, et si vous n’êtes pas assez riche pour vous payer des études dans une école de commerce privée, eh bien la fac des sciences ou des lettres vous ouvre grand ses portes… »… On dirait que l’on écoute des sentences de mort plutôt que des opportunités capable de transformer et faire rayonner les vies de ces jeunes bourgeons.
Quel est le mal dans cette approche ? Le problème majeur que j’y vois est son maque de personnalisation du message. En effet, cette « orientation massive » élimine les considérations humaines qui font que chaque individu est différent de l’autre grâce à des caractéristiques très spécifiques. Le danger est que cette approche de « catégorisation par moyennes » délimite le cadre de pensée des élèves eux-mêmes et de leurs parents. Du coup, très souvent, les élèves brillants se dirigent automatiquement vers la médecine et l’ingénierie, les moins brillants vers les facultés de droit et des lettres, sans vraiment prendre le temps de réfléchir à leur vocation ou au type de carrière qui les rendra plus heureux et plus épanouis.
D’un autre côté, et d’après ma mémoire, l’orientateur ne prenait jamais le temps de décrire à quoi ressemblerait la carrière d’un médecin, d’un poète ou d’un ingénieur… Par conséquent, les élèves sortent de la session avec des idées très vagues et surtout idéalistes du choix de carrière qu’ils entendent faire, un choix souvent en diapason avec les normes et pressions sociales qu’ils subissent tous les jours de leurs entourages.
Le malheureux résultat en est qu’après plusieurs années d’études ou de travail dans un domaine bien spécifique, la personne découvre que son cœur est ailleurs et le marche-arrière est difficile, pratiquement impossible dans plusieurs des cas. Bien entendu, quelle productivité ou créativité devrait-on attendre d’un individu qui a perdu goût au travail qu’elle/il entreprend si sa passion l’attend ailleurs…